Polarisation

Pendant le premier confinement, j’ai voulu trouver de nouveaux moyens d’échanger avec mes lecteurs sur le web, de partager mes activités littéraires virtuelles et je me suis intéressé au marketing en ligne. Et j’ai étudié cela avec mon regard de créateur d’histoires, attentif à décortiquer ce qui m’était raconté là.

 

Le marketing nous parle de la manière dont la société de consommation s’adresse à nous et nous propose des scénarios bénéfiques à ses intérêts. L’anecdote la plus marquante à ce sujet m’a été fournie par un marketeur qui analysait une des méthodes actuelles la plus utilisée et la plus efficace : la polarisation. Il s’agit de créer parmi le public une démarcation claire entre ceux qui adhèrent au produit proposé, en connaissent les codes, et les autres. L’exemple étudié était celui d’une grande chaîne de vente de café où toute la communication consiste à créer un environnement pour initiés, où le café porte toutes sortes de noms sauf celui de café, où le client est invité à s’asseoir en attendant sa commande et est appelé par son prénom quand celle-ci est prête. Autant d’usages qui créent la sensation d’appartenance à une communauté, et qui, a contrario, excluent de l’expérience celles et ceux qui ne sont pas au courant ou n’apprécient pas la démarche. On aime ou on n’aime pas. C’est le but. C’est ce qu’on appelle la polarisation. Avec comme objectif final de transformer les clients convaincus en fans, en ambassadeurs malgré eux, en farouches défenseurs d’une marque qui leur donne l’impression d’appartenir à un groupe de gens uniques, pas comme les autres.

 

J’en parle peut-être mal, ou je caricature sans doute le procédé et certaines de ses intentions. Mais je suis transparent : je trouve la méthode critiquable et dangereuse. J’y vois un parallélisme évident avec d’autres secteurs que la vente, en particulier en politique. J’y entends le vieil écho de l’injonction de G.W. Bush : « Vous êtes avec moi ou contre moi. » Je découvre avec horreur que c’est sur ce mode que l’opinion publique se divise actuellement pour ou contre le masque, le futur éventuel vaccin ou les mesures gouvernementales. La société surréagit sur le registre de la polarisation. Y a-t-il une stratégie de marketing derrière cette tendance et à qui profite-t-elle ? Ou le marketing a-t-il déteint sur l’air du temps ? Je ne peux me résoudre à ces questions légitimes mais trop évidentes et superficielles. Combien il faut aujourd’hui faire d’efforts pour ne pas tomber dans la dichotomie, pour nuancer sa pensée, pour refuser de voir se figer des camps. Les causes de cette dérive sont multiples et complexes, peut-être en grande partie inconscientes. Mais le constat est là : le débat public actuel divise, scinde la société en deux pôles, pour ou contre. Peu importe le sujet tant que la population est désunie.

 

Alors, si je veux poursuivre ma quête de contribuer à trouver et façonner des récits inspirants pour l’avenir, je tire de ceci la leçon inverse de ce qui est là proposé : il s’agit aujourd’hui de rassembler. Il est vain d’écrire pour convaincre les uns ou les autres qu’ils ont tort ou qu’on a raison, que telle solution serait la meilleure ou telle voie sans issue. Le défi à relever est celui d’écrire des mots qui jettent des ponts, de construire des récits, par exemple, qui accordent la même légitimité aux pro-masques ou aux anti-masques, aux tenants de la sécurité sanitaire ou de la liberté individuelle. Sur le registre du marketing, j’en appelle à une communication de l’inclusion. Les utopistes n’ont plus le choix, ils doivent être plus ambitieux.ses que jamais et créer des territoires nouveaux où les femmes et les hommes ne sont plus rangé.es, classé.es, divisé.es selon des polarités mais rassemblé.es autour d’une humanité commune.

 

Vous aussi, vous avez envie de partager votre opinion, d'écrire vos textes coups de gueule ou coups de coeur ?

Découvrez mon atelier en ligne en vous inscrivant gratuitement à la conférence du 28 octobre à 20h !