Le pouvoir obscur de l’imagination

Je rappelle dès que je le peux le pouvoir de l’imagination, qui nous permet potentiellement de sortir de tous les problèmes, de toutes les crises. C’est vrai, quand j’en parle avec enthousiasme, cela peut parfois ressembler à de la magie. Et une amie me le signalait récemment : la pensée magique a bon dos, elle permet notamment de se dédouaner de ses responsabilités. Et cette personne me citait, en exemple, la politique qui consiste à cacher les déchets de nos centrales nucléaires sous le tapis et à se justifier légèrement en assurant que la science finira par trouver une solution. D’un coup de baguette magique ? Par ailleurs, les grands scientifiques le disent : en science, l’imagination est une donnée essentielle pour émettre des hypothèses et parvenir à de nouvelles découvertes. Alors quoi, l’imagination est-elle à manier avec précaution ? Et si elle était un super pouvoir, pourrait-elle faire sienne cette devise de superhéros : « grand pouvoir, grande responsabilité » ?

C’est le monde politique qui illustre le mieux à mes yeux le côté obscur de l’imagination ! Je lisais récemment l’interview d’un responsable de parti qui, pour répondre à un journaliste et défendre une décision contestée, avait cette formule : « Est-ce que vous imaginez qu’un tel groupe de personnes aie pu rendre cet avis juste pour servir mes intérêts ? » (Je cite de mémoire, avec mes propres mots et sans citer de nom, je n’ai plus envie de susciter de polémique et d’offrir de la publicité à bon compte !) Quelle grossière erreur de la part de cet homme politique de faire ainsi appel à l’imagination ! En effet, c’est bien parce que de trop nombreuses décisions importantes se passent dans le secret du huis clos, de l’entre-soi des responsables que l’imagination doit pallier les éléments manquant aux yeux du grand public, pour le meilleur et pour le pire. Qui irait imaginer des arrangements entre amis, des conflits d’intérêts ? Les journalistes, par exemple, qui dans le cas que j’évoque ici ont fait leur métier, enquêté et posé des questions. Pour ne pas s’en tenir au champ de l’imagination justement. Qui pourrait dès lors imaginer des malversations, des combines entre corrompus ? Des citoyens déçus et en colère, par exemple ! Et comme dirait un grand anonyme : « ils sont légions » !

Aujourd’hui, les réseaux sociaux et les grands médias eux-mêmes sont les révélateurs d’un puissant outil de l’imagination : la formule « et si ». « Et si » les puissants nous mentaient ? « Et si » ils ne servaient que leurs intérêts ? « Et si » ils profitaient de cette crise pour nous asservir ? « Et si » ils utilisaient les nouvelles technologies pour nous contrôler ? « Et si » les vrais dirigeants du monde n’étaient pas ceux que l’on croyait ? « Et si » de dangereux psychopathes tentaient de diriger en cachette la planète ? Ce qui pourrait n’être qu’une liste de sujets excitants pour un auteur de science-fiction s’impose inévitablement comme le principal ressort du conspirationnisme. L’imagination est très efficace pour explorer l’obscurité ou s’en protéger en imaginant des monstres dans le noir. Elle est un excellent moyen de défricher de nouveaux chemins ou de trouver des excuses pour justifier la vieille boue qui traine sur certaines chaussures. Les conspirationnistes en usent à merveille pour rassurer les peureux et attirer les curieux. Tant pis si au passage, de vrais sujets se perdent parmi de fausses informations. Les conspirationnistes n’ont pas que des défauts, ils sont comme tous les humains, ils ont de l’imagination. Les politiciens feraient bien de s’en souvenir, de se rappeler qu’ils sont aussi doués pour imaginer, qu’ils pourraient s’en servir à bon escient, pour le bien commun. Et pas seulement comme d’un outil de communication, une justification un peu magique, une propriété méprisable qui ne serait l’apanage que des artistes ou des utopistes. Non, l’imagination est une qualité essentielle de l’humanité, une ressource culturelle à préserver, à utiliser avec préciosité.

C’est de la même imagination que sont nés Dark Vador et les Jedis. Et cette imagination ludique a ajouté une question porteuse de sens : quel côté de la force choisirez-vous ? Nous avons en nous le pouvoir d’inventer les meilleures réponses, les plus créatives, les plus inspirantes ! Celles qui nous permettront de sortir de ces temps obscurs… Enfin, c’est ce que j’imagine !