Mes coups de coeur de la rentrée littéraire belge 2021

Antoine Wauters « Mahmoud ou la montée des eaux »

« Mahmoud ou la montée des eaux » est plus qu’un roman, c’est une plongée en poésie, où l’air que l’on respire ne tient qu’à la voix d’un vieux Syrien, un homme seul qui chaque jour nage à la rencontre de son passé. Antoine Wauters réussit une magnifique métamorphose, il nous embarque tout entier avec Mahmoud, son village englouti par les eaux du barrage, son amour écrasé par la dictature et ses enfants disparus à la guerre. Tout est limpide à mesure que les mots coulent et que sombrent les rêves et les espoirs d’un homme : l’amour ne disparait pas avec l’horreur. Le poète et le pêcheur remontent les mêmes prises dans leurs filets : l’espoir de vivre libre et en paix.

Philippe Marczewski « Un corps tropical »

Le narrateur d’un « Corps tropical » est un homme tellement banal qu’on ne connaitra jamais son nom. C’est un petit employé sans histoire qui rêve des Tropiques, à la sauvette en barbotant dans les eaux d’une piscine tropicale et en écoutant de la musique sud-américaine. Le style de Philippe Marczewski qui joue sur les répétitions, des rythmes lents et longs, colle à la peau de ce personnage englué dans son quotidien. Quand, enfin, il se retrouve embarqué, malgré lui, dans une aventure qui le mène jusqu’à la forêt amazonienne, c’est pour découvrir qu’aucun de ses fantasmes ne correspond à la réalité et que les vagues de sa piscine de pacotille ne sont rien à côté des lames de fond qui, au Sud, emportent celles et ceux qui espèrent une vie meilleure.

Luc Baba « L’arbre du retour »

« L’arbre du retour » raconte, sur deux siècles et dix générations, l’histoire d’une lignée afro-américaine comme s’il s’agissait d’un seul humain. Les générations se succèdent et les repères se troublent tant l’injustice initiale d’avoir été arraché à la terre des ancêtres et l’espoir d’une réparation en retour se pose en colonne vertébrale de ces vies. Entre le besoin de plonger dans son passé pour comprendre son présent et la nécessité de léguer à ses enfants l’héritage d’une colère toujours vivante, tous ces humains se tiennent la main, tandis qu’autour d’eux on les considère en esclave, en chair à canon ou en citoyens de seconde zone. Luc Baba tisse avec subtilité une grande fresque de ce que l’humanité à de plus essentiel : des histoires à partager pour préserver sa dignité et réparer les injustices.