La structure classique d'une histoire

  • Art du récit
  • 11 Mai 2020
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La structure classique de base la plus répandue, depuis Aristote, en théâtre comme en cinéma, est la structure en trois actes. Grossièrement résumée, il s'agit de distinguer le début, le milieu et la fin d'une histoire.

Le schéma narratif utilise les termes de situation initiale, développement et situation finale. En scénario, on parle le plus souvent de l'exposition, du développement et de la résolution. On peut remarquer que ces deux nomenclatures induisent déjà l'idée d'une évolution dans l'histoire, d'un changement entre le début et la fin.

À ces trois parties, il faut ajouter deux moments très importants : les charnières entre les actes, la transition entre l'acte 1 et l'acte 2, ainsi que la transition entre l'acte 2 et l'acte 3. Le schéma narratif utilise généralement les termes d'élément déclencheur et d'élément équilibrant. En scénario, on parle le plus souvent de nœuds dramatiques majeurs (NDM1 et NDM2) mais les termes varient d'une théorie à l'autre.

Il faut tout de suite préciser que le schéma narratif est assez simplifié tandis que les théories scénaristiques sont plus nombreuses et élaborées. Le schéma narratif donne une bonne idée générale des 5 grands moments d'une histoire mais pour être utile à la construction d'un scénario, il est possible d'affiner ces étapes et d'en étudier les caractéristiques et l'utilité. Il en ressortira en définitive un outil d'analyse qui permet de voir si une histoire respecte bien la structure de base en trois actes et si ce n'est pas le cas de déterminer où elle présente une faiblesse et comment y remédier. Enfin, quand on maîtrise une règle, il devient tout à fait possible d'en jouer et de casser la structure en trois actes, tout en sachant pourquoi on le fait et quel effet on veut obtenir.

 

1. Premier acte – Exposition ou Situation initiale (SI)

L'exposition donne déjà des indications aux spectateurs sur le genre du film. Un piège fréquent est d'utiliser dans l'exposition un ton différent de celui général de l'histoire. Cela peut dérouter le spectateur et risque de le perturber si l'effet n'est pas voulu ou mal maîtrisé.

La situation initiale présente le ou les personnages principaux. Le risque le plus important est d'en faire des scènes explicatives, avec peu d'actions directement reliées à l'intrigue qui va suivre. L'idéal en effet est de présenter le ou les personnages (les protagonistes) dans des situations où ils sont obligés d'agir, ce qui révélera leurs caractéristiques.

À ce stade, le protagoniste principal vit généralement une situation stable, c’est-à-dire qu’il doit avoir une faille ou des soucis, des inconvénients (bien souvent inconscients) moins important que les avantages qu’il tire de ce statu quo.

L'exposition est relativement courte. On avance parfois le chiffre idéal d'un sixième de l'histoire (15' pour un long métrage d'1h30 – 2' pour un court de 12'). Ce n'est jamais une obligation, ceci dit, il est toujours préférable d'entrer rapidement dans le vif du sujet et de permettre aux spectateurs/lecteurs de saisir quel va être l'enjeu de l'intrigue.

 

2. Premier acte – Elément déclencheur (ED)

Dans un scénario, c'est l'élément qui amène les protagonistes à poser le premier acte, à faire le premier choix qui va enclencher l'histoire. L’élément déclencheur réveille la faille, bouscule l’équilibre qui faisait que le protagoniste pouvait se satisfaire de la situation initiale.

 

3. Deuxième acte – Premier nœud dramatique majeur ou Question dramatique (QD)

À partir de ce moment là, les spectateurs/lecteurs doivent avoir compris quel est l'enjeu pour les protagonistes. La question dramatique est posée : que vont devoir faire les personnages, à quoi vont-ils être confrontés, de quoi va parler ce film ?

Il s'agit souvent d'une action claire et qui est une réaction ou la conséquence de l'élément déclencheur. Contrairement à l'élément déclencheur qui pourrait être supprimé ou remplacé par un autre, sans ce nœud dramatique, l'histoire n'aurait même pas lieu d'être. Dans la plupart des cas, le protagoniste principal commence par hésiter ou refuse de s’engager pleinement dans l’action. Il devra encore être bousculé pour que les inconvénients du statu quo lui apparaissent clairement comme plus importants que les avantages de la situation initiale.

 

4. Deuxième acte – Développement (D)

Une fois qu'est connu l'objectif, la quête des protagonistes, des obstacles vont se présenter qui vont entraîner leurs réactions. Ce sont ces obstacles et ces réactions qui vont faire avancer le récit. Si ces obstacles n'existaient pas ou ne provoquaient pas de réactions, l'histoire n'aurait aucun intérêt car soit les personnages arriveraient tout de suite à ce qu'ils veulent, soit il ne se passerait rien. Cette séquence obstacle et réaction est parfois appelée, en scénario, nœud dramatique mineur. Contrairement aux nœuds dramatiques majeurs, ils ne changent pas fondamentalement le sens de l'histoire mais ils sont quand même eux aussi l'occasion pour le spectateur de se demander comment les protagonistes vont résoudre telle situation, tel problème limité.

Le terme d'obstacle est souvent piégeant car il peut s'agir de beaucoup de choses : des obstacles internes aux personnages (doute, défaut...) ou extérieurs (opposition d'un autre personnage, problème technique...) ; des obstacles facilement surmontables (qui font juste avancer l'histoire) ou insurmontables (qui obligent le personnage à changer de cap dans l'histoire).

La gestion des obstacles est très importante. Elle doit à la fois être proportionnelle à l'enjeu de la situation (si l'enjeu de mon personnage est sa crainte de mal accueillir ses parents en visite, difficile de croire à une tornade qui l'empêche de faire ses courses ; à moins que cette tornade ne soit l'élément central de mon histoire, dans ce cas l'enjeu change pour mon personnage et devient sa capacité à survivre à une tornade) et à la fois monter en intensité (toujours le même genre d'obstacle peut être lassant ; un obstacle puis plus aucun pendant un moment risque de créer une perte d'attention du spectateur/lecteur).

Les obstacles donnent toujours un bon aperçu des caractéristiques des personnages. En fonction de leurs réactions, le spectateur/lecteur découvrira non seulement leurs qualités et leurs défauts mais pourra les voir évoluer s'ils vivent des situations susceptibles de les transformer.

 

5. Deuxième acte – Climax ou Point culminant (PC)

Arrive un moment dans l'histoire où les protagonistes ne peuvent plus continuer comme avant. Ils sont arrivés à un point culminant et soit ils semblent ne plus être en mesure de réaliser leurs objectifs, soit il devient évident qu'ils vont devoir changer de méthode, prendre une décision importante.

Ce point du schéma d'une histoire, et surtout son nom issu de la dramaturgie anglo-saxonne, peuvent parfois faire peur à certains scénaristes. En effet, ce schéma rappelle de nombreux thrillers, films d'actions ou policiers, qu'ils soient plus ou moins bien réussis. Le schéma est alors très clair, un suspens a été créé au nœud dramatique majeur 1 (le gentil va-t-il arrêter le méchant) et s'est amplifié de nœuds dramatiques mineurs en nœuds dramatiques mineurs, jusqu'à un moment d'extrême tension où tout semble perdu (le gentil est dans une position inextricable) mais l'élément équilibrant, le dernier nœud dramatique majeur va venir dénouer les tensions (le gentil gagne quand même à la fin). Comme on dit, c'est cousu de fil blanc, mais il faut reconnaître deux choses : quand ce schéma est utilisé subtilement, il est très efficace et la majorité des films même s'ils ne sont pas des thrillers se servent de ce schéma.

 

6. Troisième acte – Deuxième nœud dramatique majeur ou Réponse dramatique (RD)

Enfin, les protagonistes réalisent une dernière action qui met fin, en bien ou en mal, à leur quête. Il est utile que cet élément soit original et inattendu pour le spectateur/lecteur (ce qui est souvent le défaut des mauvais films d'action) mais plus encore qu'il soit cohérent avec le reste de l'histoire et les caractéristiques des protagonistes qui se sont affinées pendant le développement (sous peine d'obtenir ce qu'on appelle un deus ex machina, un coup de théâtre trop énorme pour être crédible).

Concrètement, le protagoniste principal aura été confronté à sa faille initiale et aura su développer les qualités nécessaires pour y faire face, l’affronter ou la combler.

 

7. Troisième acte – Résolution ou Situation finale (SF)

Cet acte est souvent très court. Il est la conséquence du deuxième nœud dramatique majeur et la suite de la réponse à la question dramatique posée à la fin de l'acte 1. La réponse est dans la plupart des cas positives (films policiers, comédies...) mais peut être aussi négative (drame...).

Dans de rares cas, il n'y a pas de réponses précises et il s'agit d'une fin ouverte. Parfois encore, la résolution donne lieu à un dernier mini-développement qui n'apporte plus rien d'essentiel à l'histoire mais qui peut clore le thème ou apporter des réponses aux questions dramatiques d'intrigues secondaires. Dans tous les cas, la fin est le résultat d’un nouvel équilibre après que les éléments de la situation initiale aient été bousculés. Le protagoniste sera parvenu à un nouveau rapport avantages-inconvénients qui met un terme à ses actions, à sa quête.

 

En guise de conclusion

On obtient ainsi un schéma en 7 points qu'il est intéressant d'essayer d'analyser dans tout scénario pour déceler les éventuels problèmes liés à la construction de l'histoire, à sa structure.

L'idéal étant de parvenir à ce que le spectateur/lecteur reste concentré du début à la fin du film, sans temps morts et sans se rendre compte du découpage de la structure de l'histoire.